Entretien Q&R avec Nauman Bashir et Olivier Berthier
Nous avons rencontré Nauman Bashir, directeur général, responsable de la banque numérique à Singapour chez Standard Chartered Bank et Olivier Berthier, PDG et co-fondateur de Moneythor, pour connaître leur point de vue sur l'état de la banque numérique à Singapour et à quoi s'attendre à l'avenir ?
- Quel impact le COVID-19 a-t-il eu sur la banque numérique ?
Nauman Bachir
Les banques et les institutions financières (IF) ont dû s'adapter à de nouvelles méthodes de travail en raison des restrictions liées à la distanciation sociale et au travail à domicile. À bien des égards, cela a considérablement accéléré la transformation numérique. Les IF ont dû rapidement numériser leurs effectifs tout en maintenant les services offerts aux clients. Cela a été particulièrement difficile dans des domaines tels que le conseil financier et la gestion de patrimoine, où une configuration physique est encore largement la norme.
De même, pour nos clients, la pandémie a entraîné des changements de comportement sans précédent, favorisant l’adoption rapide de services numériques tels que les paiements numériques et sans contact et de canaux tels que les applications bancaires en ligne et mobiles. Le numérique est devenu un moyen bancaire courant pour la plupart de nos clients et nous prévoyons une forte augmentation des transactions, des investissements et des paiements numériques. Ce qui aurait nécessité un changement de comportement organique qui aurait pris des années, nous l’avons réalisé en quelques mois.
Olivier Berthier
Comme l’a mentionné Nauman, la crise de la COVID-19 a accéléré la transformation numérique du secteur bancaire. Faute d’autres options, les clients n’ont eu d’autre choix que d’adopter des outils et des services numériques et les banques ont dû trouver des moyens rapides de les proposer.
Si le développement rapide des services bancaires numériques n’a pas été facile pour certaines institutions, il leur a donné à toutes l’occasion de se concentrer sur le développement de leurs services en ligne et l’amélioration de l’expérience client.
Les répercussions de la COVID-19 sur les services bancaires numériques ne seront pas temporaires et nous pouvons nous attendre à un changement permanent des préférences et des comportements à mesure que les clients découvrent les avantages de la gestion de leurs finances en ligne. Après la pandémie, il est fort probable que les institutions financières ne puissent plus faire marche arrière et concentrent leur attention principalement sur la création de solutions bancaires numériques centrées sur le client.
- Comment la Standard Chartered Bank s’est-elle adaptée aux besoins changeants des clients axés sur le numérique ?
Nauman Bachir
La mise en place d’un écosystème numérique complet a porté ses fruits. Au cours de l’année écoulée, la Banque a commencé à mettre en œuvre son programme numérique, non seulement pour assurer l’avenir de ses activités, en particulier pendant les crises telles que la pandémie de COVID-19, mais aussi pour rendre les services bancaires numériques plus sûrs, plus rapides et plus intuitifs pour les clients.
Nos investissements stratégiques au fil des ans dans l'espace numérique ont renforcé notre volonté de servir nos clients, non seulement en termes d'actifs numériques dont nous disposons, mais aussi dans l'état d'esprit de nos employés qui sont également prêts à s'adapter et à répondre aux besoins changeants de nos clients dans la « nouvelle normalité ».
Nous avons investi dans l'amélioration de nos plateformes bancaires et d'investissement numériques avec des fonctionnalités telles que l'émission instantanée de cartes de crédit, de prêts personnels et d'ouverture de compte, un service de transfert de fonds en ligne sans frais de transfert ni de change, une plateforme unique pour les conversions de devises en temps réel et la disponibilité de toutes les demandes de service sur nos plateformes numériques. Les clients peuvent pratiquement effectuer leurs opérations bancaires à tout moment et en tout lieu, sur l'application SC Mobile.
Olivier Berthier
La pandémie a entraîné une augmentation des paiements numériques et des services bancaires mobiles, ce qui a entraîné une modification des attentes des clients. Si les clients sont heureux de gérer leurs finances via des canaux en ligne, ils ont des attentes de plus en plus élevées en matière de personnalisation et d’assistance de la part de leur banque.
La Standard Chartered Bank a très vite adopté l'idée selon laquelle la personnalisation et les conseils en ligne sont essentiels pour que les clients puissent gérer efficacement leurs finances. Cette compréhension a permis à la banque de proposer des expériences et une assistance client de classe mondiale via son application SC Mobile en 2020.
Et surtout, la Banque dispose désormais d’une base solide et différenciée pour offrir des fonctionnalités encore plus attrayantes, exploitables et centrées sur le client dans les mois à venir et au-delà.
- Quel est le plus grand défi auquel les banques sont confrontées dans leur transition vers la banque numérique ?
Nauman Bachir
Comme pour tout changement, le défi réside dans l’inertie et l’ignorance qui nous empêchent de franchir la « terre promise numérique », associées à des habitudes et comportements dépassés. Cependant, la COVID-19 a forcé les consommateurs et les organisations à se rendre compte qu’avec le soutien organisationnel approprié, les acteurs en place peuvent encore évoluer à un rythme plus typique des banques concurrentes ou des Fintechs. De plus, si les expériences des clients avec la banque numérique sont positives, il est peu probable qu’ils reviennent aux anciennes options. Le défi consiste donc à créer des expériences agréables, simples et sûres pour les consommateurs afin qu’ils prennent l’habitude de la banque numérique.
Bien que les circonstances aient entraîné un changement des comportements des consommateurs, la touche humaine dans le secteur bancaire reste primordiale, et nos plateformes numériques, conçues pour offrir une expérience aussi humaine que possible, ont facilité la transition des clients vers les services bancaires en ligne.
Olivier Berthier
Selon moi, l’un des plus grands défis auxquels les banques sont confrontées dans leur transition vers la banque numérique est la manière dont elles organisent et gèrent les données des clients. Les institutions financières ont accès à une grande quantité de données, mais malgré cela, de nombreuses organisations ne sont pas en mesure de les utiliser efficacement. Elles se heurtent souvent à des problèmes lorsqu’elles essaient d’utiliser les données disponibles et constatent qu’elles n’ont pas capturé les bonnes données ou que le processus d’organisation des données n’est pas suffisant pour développer une analyse approfondie.
Il n’est pas facile de devenir une entreprise axée sur les données. De nombreuses banques doivent encore travailler pour améliorer la qualité et la rapidité des données collectées et pour définir à l’avance leurs besoins en données. Cependant, une fois ce travail terminé, les banques sont bien placées pour créer des expériences bancaires numériques avancées.
- Comment les partenariats avec les Fintechs peuvent-ils accompagner les banques dans leur adoption de la banque digitale ?
Nauman Bachir
La création d’un écosystème numérique solide grâce à des collaborations avec des partenaires réputés jouera un rôle important dans l’avenir des paiements, des investissements et des transactions sans espèces pour nos clients afin de garantir une expérience bancaire et de paiement numérique plus fluide.
Olivier Berthier
La plupart des entreprises Fintech ont l’avantage d’être libres de tout système technologique traditionnel et, dans de nombreux cas, de toute réglementation, et peuvent donc travailler de manière plus agile et plus flexible. En s’associant à des Fintechs, les banques peuvent proposer un plus grand nombre de produits et services axés sur le client à un rythme accéléré, tout en tirant parti d’un ensemble de compétences plus large et souvent d’une expertise allant au-delà des seuls produits financiers tels que les composants liés au mode de vie.